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peinture Marsden Hartley 1928
Grande joie de lumière
dans la toile rectangulaire
dès qu'on ouvre la porte :
une nappe plissée,
quelques fruits disposés,
un verre , et la musique du silence
en couleurs complémentaires :
c'est ce qu'on pense
être une nature morte...
Trois citrons aux ombres vertes,
attendent sur une assiette.
Aucun des fruits ne bouge,
personne ne les dérange
dans leur écrin rouge
voisin du verre à pied
où transparaît la valse des bleus
dans leur savant camaïeu.
Juste une orange isolée
dans le coin droit,
dépourvue de pesanteur
attend qu'on la mange.
Avant qu'on l'attrape
elle répercute un peu de couleur
sur le verre vide
dont la matière limpide
se dresse sur la nappe.
Le côté gauche est plus incertain:
il est probable
qu'on devine un coin de table :
on a négligé le reste du festin
pour concentrer notre attention
sur la composition,
les courbes qui se répondent
et les formes rondes
de la nature morte aux citrons.
RC- Août 22
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Janus ( sculpture de Max Ernst )
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Janus est là, qui nous regarde
de ses yeux ronds.
On ne saura jamais
si le double de son visage
apparaît derrière son dos.
Son corps de rectangle
a plutôt l'aspect
d'une planche à découper.
Incrustées à la verticale
deux coquilles Saint-Jacques
pour le voyage initiatique
qui l'emmènera
plus loin qu'on ne le pense,
amulettes précieuses
nous rappelant que la mer
n'est jamais loin.
Une petite tortue,
qui lui sert de bourse,
est aussi du voyage.
Elle évolue au rythme
éternellement lent
du marcheur .
En effet Janus
semble être immobilisé,
les deux pieds soudés
sur une plaque de bronze.
Mais comme la tortue,
l'espérance est le guide
le rapprochant du terme
de son pèlerinage.
L'important n'est pas d'arriver,
mais de partir à point....
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peinture Jasper Johns - white flag
Au su de tous,
il a repeint la bannière étoilée
avec des couches de blanc.
Mais on devine toujours
un peu de couleur
qui a bavé ,
sous la peinture à la cire.
C'est être en avance
sur une bannière décolorée,
qui, de toute façon
est vouée à perdre ses étoiles.
Le même peintre
a eu l'idée de changer de motif.
Finis les élans patriotiques,
le drapeau blanc de circonstance
est transformé en cible,
et on trouve, placés, de part et d'autre
des éléments de corps humain,
moulés, dans de petites cases ...
peut-être voulait-il inviter
les visiteurs à sortir arc et flèches,
viser le centre et décharger
tant de colère accumulée
comme les indiens le faisaient
dans ce même pays,
face aux fusils :
en tout cas,
chaque visiteur du musée
en ressent l'envie,
mais, jusqu'à présent
personne n'y est autorisé.
peinture & relief, Jasper Johns - Target 1955
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peinture Dirk Bouts
Voila le choeur des réjouissances,
où tout bascule, d’une autre planète.
– Elle frôlerait celle-ci,
et c’est un échange des mondes,
celle où l’attraction aurait raison
du poids des péchés.Les hommes attirés comme des mouches,
engluées sur leur spirale collante.
Et de petits monstres
– un rien préhistoriques –
comme nés d’entre les roches,
enfantés par
l’imaginaire débridé,
s’en donnent à coeur joie,
échangent les corps blafards,
dans une folle farandole.C’est sans doute la ration quotidienne,
les sortant de l’ennui,
– la grande roue, que l’on aperçoit,
ne suffirait-elle pas ? –
de quoi aiguiser l’appétit,
et quelques canines,
– mais jamais rassasiés –
leurs petits yeux stupides,
tout à leur tâche,
éternellement recommencée :
( quelles nouveautés nous sont donc données,
avec les derniers damnés ? )C’est un parc d’attractions .
On viendrait presque, muni d’un ticket,
y réserver une place, pour se faire une frayeur,
comme en empruntant le train fantôme,
se faire balayer le visage,
avec des toiles d’araignées :
– Il y en a bien qui réservent des places,
pour fréquenter sans risque,
les geôles communistes…
bientôt quelque camp de concentration,
pour le touriste de l’histoire ,
spécialement aménagé.Indispensables : uniforme et matraque,
pour » consommer » quelques émotions fortes .
On demanderait presque,
si c’était possible : – « aux vrais «
à ceux qui n’en sont pas revenus ,
de participer à une reconstitution,
Télé-réalité oblige :
la cote de l’angoisse et du frisson
monte avec l’audimat .–
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aquarelle - Paul Klee " décomposés dans l'espace" 1929
Cubes et parallélépipèdes
disposés dans l'espace,
ça change des étoiles,
en plus raide.
Attirés par le trou noir,
"impairs et passent"
au fond de la perspective,
- c'est là qu'on finit de les voir,
car la courbure du temps est rétive
mais acceptable ...
Cependant le sol, peu stable,
ne permet qu'une approche
très approximative -
où la distance
s'efface dans la transparence
d'un fond d'aquarelle.
Le gris s'y assombrit, graduel,
les couleurs pâlissent,
trop précoces
pour une rigueur géométrique
qui n'est qu'apparence.
Avec les formes anémiées,
on dira que la perspective est fausse
Elle se contredit dans le geste artistique...
Klee, lui-même, n'en a pas la clef...
RC - juin 2022
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peinture: Nicolas de Staël : la route d'Uzès - 1954
C'est au sommet de la montée
que se joue le terme du voyage .
L'horizon nous est caché,
mais on peut le deviner
derrière la pente.
La colline se divise en deux parties
nettement opposées :
le couteau d'ombre a tranché
dans les plages de lumière,
et les arbres, dont on ne voit que la tête
opposent au vent leur silhouette
juste avant la descente.
Si j'emprunte ce chemin
plus aride que le ciel désert
sans savoir où il conduit,
ne me mène-t-il pas tout droit
dans la vallée de pierres
du pays d'effroi
où le Blanc sombre dans un Noir
qui n'a pas de fin ?
quand je bascule de l'autre côté
de ce paysage illusoire
où s'égarent les repères …RC
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peinture : W De Kooning ( MoMa NYC )
Prendre d'assaut le mur du brouillard,
s'élancer en quelques pas de danse,
et voilà que sur le mur noir
l'esprit s'élance.
Il n'y aurait plus de nuit
que celle des apparences :
le feu s'est éteint sans bruit :
c'est maintenant le silence.
Tu vas pouvoir poser quelques traits
reliant de blanc les parties obscures :
les choses ne sont pas ce qu'il paraît
sous les couches de peinture.
Il y a peut-être une voix enfouie
qui parle sans qu'on l'entende,
se fraie un chemin dans le fouillis
des pierres brûlées et de la cendre .
Elle n'est pas encore audible
mais reconquiert de la lumière
contre les forces obscures de la terre
de façon insensible .
A la première lecture
ce ne sont que des signes
que la fantaisie du créateur aligne
dans sa peinture,
qui prennent petit à petit
possession de l'espace
pour que le noir trépasse,
et que la nuit s'enfuie....
RC - 2022
autre titre " une voix enfouie dans les pierres brûlées, et sous la cendre "
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peinture: Alfred Manessier
Ici nous nous trouvons
face à un mur d'ocre et d'azur.
On ne verrait qu'une falaise
avec des arbres qui penchent.
Je les ai effacés,
pour ne me rappeler
que du passage des oiseaux,
traçant des lignes invisibles,
à la façon de cordes tendues
entre les rives.
De temps en temps,
un trait oblique :
un arrêt sur l'image:
quand l'un d'entre eux plonge
pour se poser sur une branche
à proximité de son nid.
Je ne l'ai pas dessiné.
( sur une peinture de Manessier
" étude pour les oiseaux passant sur la campagne")
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Aquarelle RC - déc 21 d'après une nature morte de Frida Kahlo
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Vas-tu finir ton dessert,
d'orange amère
de goyaves et de pastèques ?
J'ai bien préparé les choses
avec du vert cru
et beaucoup de rose.
Tu pourras exercer tes canines
et mordre même l'assiette
de porcelaine .
Si le temps dépose sa patine
- c'est une hypothèse -
Es-tu prête à t'exercer
à la cruauté ?
Dans ta main maladroite
le couteau dentelé
et son manche ébréché
pour écarteler les fraises .
La morsure des fruits
ne fait pas plus de bruit
que cette nature morte
enfantée dans la douleur
par Frida Kahlo .
Tu garderas en toi
la trace de la blessure:
le sang des oranges
est tout à fait indiqué
pour la peinture à l'eau .
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- peinture: Nicolas de Staël: toits de Paris - 1952
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Faire que le tout s'étale
à grands coups de spatule
et que la peinture s'écrase
poussant de petits monticules
La matière de surfaces agitées;
----------------- la couleur décalée
sous le gris se profile le rouge,
Nicolas , et les toits de Paris
Cliquetant des éclats d'argent
lorsque filtre un pinceau de lumière
au gré du vent, sur la ville
ses écailles y brillent
une nasse fragmentée d'envers,
.... Immobile d'hivers
-
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RC - 24 novembre 2012
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–
La muse des mystères,
n’a pas de visage,
ou alors, seulement indiquée,
L’arête du nez,
dépassant du lisse,
mais juste la substance des choses,
> L’essentiel est dit ,
l’expression ne s’accroche
ni aux lèvres absentes, ni au regard…
Nous laissons le nôtre,
parcourir l’espace,
La pierre debout,
à la stature humaine,
Et cette énigme,
blanche et dure,
La courbe même, en tension ,
fuit, dans l’harmonie,
Les récits parasites,
venant perturber l’aube de la nuit.
La nuit des temps, – dit-on,
pourtant, ne se fond pas dans l’obscur,
Si simplicité fait aussi l’épure,
polie des mémoires de chair,
–
Des peuples cycladiques,
—
Nous sommes, en présence,
de l’infini.
–
RC – 19 septembre 2013
– en relation avec l’article de Michèle Dujardin » Cyclades »
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peinture Odilon Redon
--
Odilon,
pour rimer avec son nom,
organise sur la table
la rencontre improbable
d'un citron
et d'un poivron:
voilà qu'on les déballe
sur une serviette à initiales ;
le citron grenu
qui a l'âme ingénue
salue respectueusement
le poivron au vert luisant.
Que l'on ne s'y trompe pas,
ailleurs on prépare le repas,
on a dressé les assiettes,
haché la ciboulette
dans la cuisine :
la délicate odeur flatte les narines
et parfume
le futur des légumes.
Avant qu'on ne les coupe en tranches,
Odilon les peint sur la nappe blanche:
- belle composition
avant la cuisson - :
C'est le témoignage qu'Odilon
fit - de leur dernière conversation ...-.
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Il est une joaillerie fragile,
suspendue aux fils,
toujours bien peignés,
de la toile d’araignée
Ce sont des gouttes pour décor,
des perles de colliers lisses,
qui, lentement s’évaporent,
quand la journée glisse,
en arabesques changeantes,
les insectes au vol léger,
viennent alors s’y piéger,
car la toile est transparente…
Et si c’est une autre toile,
qui piège le paysage,
ses étés et ciels d’orage,
et des myriades d’étoiles.
Par petites nuances
le tourbillon des doigts lestes
où de grands gestes,
soudainement dansent,
Quelques pas de lumière,
accrochés sur les pourpoints,
et habits de satin,
" L’embarquement pour Cythère…"
Nous entrons dans un monde imaginaire,
emportés dans une aventure,
où s’affrontent les couches de peinture,
...le cheminement du regard s’y perd,
jusque dans les aires lointaines...
- les miroirs des eaux croisent les jours.
où , portés, par des ailettes, de jeunes amours
traversent une perspective incertaine…. -
tous ces personnages, ensemble
se promènent comme dans un parc,
tandis que l’on embarque .
et l’eau se ride, et tremble…
> Laissons partir ce vaisseau,
jusqu’au bout du monde,
où les couleurs se fondent,
et aussi …. les coups de pinceau .
Chaque regard est neuf ; aucun n’est usé,
la peinture, a traversé le temps,
même à travers quelques instants,
accrochés au musée.
"l'embarquement" ( détail )
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peinture Clyfford Still - musée de Denver
Une symphonie bleue, emportée,
Une bataille de pinceaux
Où les encres s'emmêlent, en un assaut
Traversé de gestes et d'une portéeC'est juste ce qu'il faut d'artistique
Pour , en danses, faire remuer les pieds
En jetant les couleurs sur le papier
Et interpréter la musiqueD'une curieuse façon
Les notes bleues encore accrochées
ont eu leurs tiges arrachées
dans cette partition.Mais ne vont pas tarder à chanter
- une sorte de danse de Saint Guy
- un air de boogie-woogie ?
Qui pourrait nous enchanterJe vois déjà les classiques
Regarder les notes qui s'envolent
- çà, c'est pas d'bol !
Et jettent des regards avisés et critiquesd'un swing délirant qui s'approche
D'un violoncelle électrique
Qu'enveloppent les ondes magnétiques
de la course des double-croches ..S'échappent d'une trompette
à la Miles Davis
Et d'un trombone qui coulisse
le groupe des saxes, en tête.A suivre l'impro, déployer les voiles,
Reprenons , les pinceaux en main...
Arrête ton délire, et de faire ton malin !
Tout ceci n'est pas dans la toile,C'est un jeu de l'esprit
Voulu par l'artisteUne sorte de jeu de pistes
De la toile, s'échapperait un cri ...
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Aquarelle perso d'après Mondrian
Aujourd'hui j'ai un peu de temps,
je me sens pousser des ailes...
- si je peignais l'aquarelle
que tu attends ...?
Ce pourrait être un paysage fleuri,
un morceau de nature
sous un ciel d'azur,
une vue du Mont Fuji
Mais je délaisse le côté oriental
pour la campagne provençale...
...J'imaginerai l'été
avec des teintes bleutées.
Ça pourrait être le matin
tout en couleurs froides
posées sur les façades
et quelques touches de brun.
L'air sera transparent,
il n'y aura pas de vent,
je superposerai en couches fines
quelques collines.
Tiens, voici quelques cyprès
dans les gris-bleu et violets
surgissant du néant !
- à la manière de Mondrian - ,
... rien de romantique
dans le rythme irrégulier
des peupliers
et ces lignes obliques.
3 commentaires -
Litho d'après " l'amazone" Kees Van Dongen - 1930
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Une amazone
à la lisière du bois,
des cavaliers
que l'on ne voit pas...
Une biche, un cerf
ailleurs, aux abois.
Une amazone
qui pose en pied
devant le peintre,
au regard sévère :
j'imagine à ses pieds,
un sanglier...
La chasse à courre
et à cors :
un bois de velours
sans l'ombre de la mort
à contre-jour:
c'est pour le décor .
Diane est chasseresse;
elle tient la cravache,
tout en sveltesse,
en oublie la chasse ;
- mais ses bottes de cuir
lui vont à ravir...
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peinture: Richard Diebenkorn
Vêtue d’inachevé,
ce n’est pas ton visage
qui émerge de l’eau,
et ton rire blessant la toile .
Ta peau est fluide,
et personne n’écope,
les éclaboussures
étoilant ta robe .
Tu émerges juste de la couleur :
Il suffirait de presque rien,
pour que tu retournes
dans l’anonymat
…. – te diluant dans les glacis,
et les coulures ,
dissimulée par les larmes,
de la peinture:
Celle-ci n’est pas sèche ,
et colle encore aux doigts.
Il y a, sur eux
comme une saveur marine…
teintée d’essences :
C’est une apparition :
– sous les pinceaux,
j’assiste à ta naissance .
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Peinture-pastel : Thierry Tillier, auteur, par ailleurs de "23 esquisses de l'ange"
Quelque chose s'épuise dans les esquisses.
Sur un fond mal défini , un modèle se glisse :
une figure de danse...
Le personnage vide de sa substance,,
se tient en équilibre -
traversé de gris et de vert.
Qu'un trait blanc l'enserre,
le voilà translucide.
Le fond se métamorphose,
efface les ailes ...
à peine teinté d'un rose
un peu artificiel.
L'esquisse marque l'hésitation
jusque dans les franges ,
le contour de la vision...
était-ce donc un ange
que l'on prive de ses ailes
pour le sertir
de couleurs pastel,
bleu saphir,
vert de gris,
gestes effacés
avec frénésie, qu'en dépit de tout
tu essaies de préciser...?
RC
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Sculpture: "oiseau-tête", de Max Ernst
Qui imaginerait un oiseau
prêt à s'envoler
lui, pourtant prisonnier d'un tableau
au format carré ?
Devinerait-on un bec
et la légère ondulation des ailes,
un dessin d'ocelles,
sous l'aspect d'un masque aztèque ?
Cet oiseau figure un visage
au regard absent .
Il regrette infiniment
l'empreinte de ses voyages....
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