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Jean-Charles Blais (né en 1956) "Sans titre" (1992, huiles sur revers d'affiches arrachées) - Carré d'Art, Nîmes
Mon visage est à l'affiche,
sans slogan publicitaire.
Tu ne distingueras pas mon regard,
aux yeux de velours...
Seront ils ouverts ?
Difficile à affirmer dans le contre-jour.
L'obscurité anonyme s'en fiche.
Déjà des graffiti s'en emparent
des griffures le lacèrent
quelques lignes le traversent,
improvisent une danse aléatoire.
On s'attendrait à ce que mes traits
surgissent du noir,
mais je reste si discret
que personne ne peut me voir.
Même les têtes de Jean-Charles Blais
survivront davantage
que l'affiche ramollie
et l' éphémère d'un visage
improvisé sur un mur gris...
RC
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photo Sean Scully - Inis Oirr II - 2006
Faut-il élever des murs
se dresser contre l'océan,
maîtriser le temps
boucher toutes les ouvertures
en dressant toutes ces pierres ?
Mais il n'y a rien à faire :
la tempête de se laissera pas arrêter
par une suite de murailles;
on cherchera plutôt à délimiter
un lopin de terre , un quadrilatère,
Pas besoin de pierres de taille,
aux arêtes vives
ici l'architecture vernaculaire
est approximative
et hors du temps :
des pierres, des pierres encore
à ne plus en savoir que faire...
Elles servent de décor
limitent et imitent l'horizon
en verticales un peu obliques.
communes aux iles d'Aran
constructions linéaires
en lits de calcaire
extraits à même le sol.
Ils se veulent perpendiculaires,
mais soutiennent les maisons
par leur seule masse
exactement à l'identique
de la tourbe découpée :
autres pierres encore molles
que l'on entasse
avant qu'elles ne soient figées
dans la géométrie
semblables à celle des murs
de la peinture de Sean Scully.
peinture Sean Scully - Wall of light 2000
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peinture Victor Brauner
Un peu d'équilibre sur le fond noir,
et la pupille grande ouverte sur ton regard,
la silhouette en robe de soir
s'affranchit de tous les reflets
d'une eau profonde que rien ne trouble
car les vents ont subitement faibli;
une prêtresse aux yeux bandés
ne sait plus où donner de la tête.
L'horizon s'est refermé
dans une lente symétrie:
approximativement, en double
en attendant les dits du prophète:
avec tous les symboles que l'on tient
à bout de bras,
dans chaque main.
Ils sont plutôt un embarras,
et n'ont jamais servi à rien.
C'est donc en pure perte
que les visages perpendiculaires
se heurtent à la fenêtre
sans même voir au travers:
il ne sera jamais établi
que l'onirique
s'écarte à fortiori
de la simple géométrie
dans les grands écarts
où on se rappelle vaguement de l'art
de l'Egypte antique...
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Dans un mystérieux jardin,
se côtoient des arbres de toute nature.
Cerfs, lapins, renards et autres volatiles
apprécient ce domaine paisible
à l'abri des hauts murs d'une vaste demeure.
Les fleurs surgissent comme des étoiles,
un cours d'eau pourvoit à toutes soifs.
Les buissons cachent encore bien des choses
que l'on n'aperçoit pas encore.
C'est une miniature de livre d'heures,
avec un fond de palmettes d'or
sur azur sombre, qui tient lieu d'arrière plan .
On penserait à un papier peint
pour la chambre nuptiale des occupants du manoir...
La peinture y est délicate.
On n'y surprend aucun prédateur
venant troubler le calme des lieux,
surtout pas un lion égaré
qui aurait du mal à s'adapter, par ailleurs
à un autre climat que celui de la savane:
ou bien, il faudrait transporter le domaine
sous d'autres latitudes, en faire un collage
pour que "le Dit du Lion"
ait des chances d'y trouver un écho,
autrement que sur les seules armoiries
de l'entrée d'honneur,
réservée aux grandes occasions
et aux cérémonies...
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peinture Giorgio de Chirico
Soleil oblique,
décor onirique
cité antique,
acropole indécise
chevaux au galop.
Une plage imprécise
tout au bord de l'eau
sous l'œil voilé d'un dieu .
Eux décident de l'avenir
( comme sur la toile de Chirico ).
Mais parmi ces chevaux,
lequel choisir
le jaune ou le bleu ?
- changera t on encore de couleur ?
Lequel sera le meilleur
et terminera en tête ?
Qui est prêt pour le pari ?
Course d'obstacles désuète,
qui regarde en arrière
cette pâle mythologie.
Elle a la mauvaise fortune
de ne jamais arriver à l'heure.
Le temps n'est pas linéaire
les chevaux aveuglés par la lune
ne verront plus le jour.
Ils ne peuvent plus avancer
qu'en tournant toujours
autour d'une colonne renversée..
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peinture - Jean-Paul Marcheschi - naissance d'une montagne - 2014
Voir l’obscur, sur la peinture
pénétrer sa matière même
toi qui espères creuser la nuit.
Tu ne distingueras dans le sombre
que les formes indécises
des silhouettes, vaguement penchées
sur elles-mêmes.
Ajoutant leur ombre
à l'ombre des autres.
Il faudra s'habituer à déceler
la moindre nuance,
le noir d'ivoire plus froid
que le noir de mars,
à la croisée de l'éclipse.
Rien pour accrocher la poussière de lumière,
pas d'outre noir pour jouer de surface
ou flatter le regard.
Juste l'obscur qui colle aux doigts
comme le charbon de bois.
La peinture sera mon écriture,
la nuit, ma toile, mon mur.
RC
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From Koriki Enkoan (1756-1831), illustration de Hokusai
Nous repousserons la poussière
dans les marges...
Emprunterons les balais
aux artistes japonais.
Nous nettoierons les canaux des rizières,
dessinerons des courbes dans la page.
Les collines s'offrent une calligraphie
que l'on peut encore voir:
comme des lignes de vie.
Elles sont pour le riz
autant de couloirs
maintenus en place
où le pinceau est libre
d'évoluer dans l'espace
Les balais le tiennent,
assurent leur équilibre
entre montagne et plaine ...
RC
photo RC
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aquarelle Emmanuelle Bollack
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C'est la peau des choses qui vient à nous,
s'empare de notre regard,
et c'est la caresse de l'éclat de la matière,
une plongée dans l'inconnu,
qui enrobe l'épaisseur de l'être,
rayonnement insoupçonné jusqu'alors.
Un fil ténu sorti de l'obscur,
la vibration d'une peinture,
difficile à définir,
onde impalpable d'une présence,
où la peau d'une aquarelle se fait nôtre,
tant elle nous semble familière....
RC
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collage Kurt Schwitters - Wieder horizontal -1947
Comment composer un tableau
avec des petits bouts de papier
et de carton piochés dans un panier ?
Mettre de l'ordre dans le chaos ,
le valoriser par défaut:
une feuille de papier journal,
une photo découpée,
du beige et du gris,
le tout respectant l'horizontale,...
des éléments un peu gondolés
parfois mal collés
à ce qu'il semble,
mais bien rythmés,
parfois superposés...
- Un peu de couleur bien sûr
et aussi du noir
pour équilibrer l'ensemble.
Fossiles d'une écriture
du siècle passé,
du rouge sans oxydation,
morceaux non identifiés
allant se chevaucher
dans la composition:
c'est l'éloge de quelques restes
( matériaux modestes
glorifiant papiers et cartons )...
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Peinture: Richard Diebenkorn
Quelques objets disséminés au hasard
un peu trop modestes pour faire de l'art
abandonnés au regard,
en quelque sorte,
pour s'ordonner sagement
dans l'écrin d'une nature morte.
Même pas des éléments d'ornement
ou des pièces d'argenterie
fourchette, couteau,
une paire de ciseaux
ce qu'on suppose être une plante, en vert,
... et de l'eau dans un verre.
Le tout sur un fond gris
assez mal passé.
Mais la vie de ces objets
est-elle le seul sujet ?
D'un univers familier
nous n'entrons pas dans le décoratif,
restons dans la simplicité
d'une scène prise sur le vif
Sujets d'une peinture, sans prétention
les voilà presque à portée de main
qui éveillent notre attention,
comme cette eau limpide
du verre à moitié vide
(ou à moitié plein)
allez savoir exactement !
comme notre curiosité
qui, depuis le temps,
ne s'est pas évaporée...
RC - nov 2023
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peinture E Vuillard - Misa au piano 1898
Je vois encore un intérieur,
où les couleurs papillonnent,
d’ocres et de gris,
j’imagine le parfum des lilas
parmi les ors du soir qui se fane
auprès de la fenêtre.
La musique qui l’accompagne,
comme une traverse embaumée :
c’est « la Pavane pour une infante défunte »
à laquelle je pense .
Des sourires flottent
parmi les silences,
alors que s’égrènent
les dernières mesures au clavier.
J’ai le souvenir des mains qui dansent,
s’envolent, puis se posent
après que la mélodie se soit achevée,
puis la lumière, doucement s’éteint
comme dans un tableau de Vuillard.
Son chemin s’égare
dans les motifs de la tapisserie.
Je me rappelle de la lampe à pétrole,
qu’on allume en fin de soirée,
posée sur le guéridon,
à côté du piano…
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peinture Armand Rassenfosse le peignoir jaune d'or - 1912
Le peintre est celui qui dispose
les éléments du décor:
le modèle prend la pose
sur un peignoir jaune d'or
( en fait plutôt orange ).
Le drap est blanc.
Il sert de support
en attendant que l'on range
le chapeau noir
qui est l'accessoire
d'un personnage situé "hors champ",
et qu'on ne peut pas voir...
- sauf s'il installe un miroir
sur les fleurs de la tapisserie
ou s'il s'assoit lui-même sur le lit -.
Mais le regard de la femme ne serait pas le même
- ainsi que l'élaboration du poème -
selon le titre, le modèle est accessoire
en toute innocence...
on pourrait placer un objet noir
pour mieux se concentrer sur le peignoir
et lui donner plus d'importance...
mais la chambre est bien petite
et serait vite encombrée...
l'artiste n'y a d'ailleurs pas pensé:
et puis, il aurait fallu que je recommence
ce texte, avec une scène inédite
- pas encore décrite -
RC
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sculpture - provenance non identifiée - musée des confluences - Lyon
L'oracle n'aura pas lieu,
la langue reste collée au palais,
les mots sont en fuite
et idées blanches.
La verticale des soupirs
ne peut les assembler,
il faudra les enfermer
et les assoupir
car les discours sont inutiles.
Il faut écrire.
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photo Dorothea Lange Irlande 1954
Comment retenir cet instant
de tendresse
où les mains s'unissent,
où les doigts se referment ?
Celles du père,
celles de l'enfant,
se pressent,
vêtus de lourdes pelisses.
Ou comment saisir une fraction de temps
presque une caresse
se passant de commentaires,
quand les deux vont, ensemble, confiants.
4 commentaires -
peinture P Picasso ( de la série " le peintre et son modèle " ) 1969
Où se trouve le modèle ?
derrière nous ?
fixé par l'œil noir du peintre
concentré sur sa tâche ?
Son visage plissé,
décomposé en facettes,
ses lèvres pincées, le sourcil levé
devant l'odalisque immobile...
Peindre ainsi n'est pas des plus facile;
il convient de changer de position:
alternativement, la tête se déplace
une fois de face ,
puis de profil,
question de concentration...
On se demande qui regarde l'autre,
car elle ne sait pas
ce qui se passe derrière la toile:
elle le devine
sans toutefois le voir
même si la séparation est illusoire,
indiquée par une série de pointillés
qu'il serait aisé d'effacer.
Mais le modèle prend des libertés.
Un bras se relève sur un fond bleuté,
une jambe sort du tableau.
C'est peut-être l'effet du pinceau
qui s'exerce à même la peau...
Auriez vous été à sa place,
qu'auriez vous choisi ?
Préféreriez vous être de face
pour que votre portrait soit réussi ?
3 commentaires -
relief de Lalique
L'homme de Vitruve se travestit
sous l'aspect d'une femme
prisonnière de la glace
ôtant ses habits.
Tout s'inscrit dans la surface,
après quelques hésitations
même si la mode passe,
elle revient en décoration...
Aux gestes figés, translucides,
on chercherait en vain, insipides,
les trois grâces derrière les plissés
du voile, immobilisés.
C'est un parfait carré
où seule la tête dépasse.
Le mouvement ne peut se détacher
de son leurre,
La lumière cultive une chair
de verre, prisonnière
de ce corps de danseur
qui se tourne vers arrière.
Arrivé aux pieds, le volume s'efface
dans un décoratif contre nature
précieux, mais de bon ton
où on chercherait en vain l'émotion:
tout retourne à la surface :
plutôt qu'être une sculpture
ce serait plutôt une gravure,
une réclame pour un parfum
une moulure dans le verre
créée à dessein
pour un érotisme affecté
à défaut d'être sincère...
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tableau de broderies et collages : Martha Arango
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Il y a en même temps soleil et lune
dessinés sur un paysage
que l'on dirait sauvage.
Dans le ventre des animaux
qui se tiennent dos à dos,
arabesques, dentelles en plumes...
sans pour autant évoquer un personnage
comme le fit Arcimboldo :
un oiseau et un lézard
brodés à même les cieux
à profondeur bleue,
mais c'est pour que notre regard
y prenne part.
Les deux animaux veillent,
sur un fond de nuit
mais qui s'épanouit
sur la naissance du soleil.
L'arbre y fleurit
dans l'exubérance totale
de l'univers végétal
où se multiplient les couleurs de la vie.
RC
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assemblage Antoni Tapiès - fondation Tapiès "porte métallique et violon- "
On attendra longtemps
l’ouverture du jour.
Il y aura du sang
répandu autour .
La vie est dans la verdure ;
Derrière le rideau de fer
on pratique la torture
et on désespère.
On imagine, un délire :
faut-il une révolution,
pour que le rideau se déchire
et que le chant du violon
se détache de la croix noire
taguée sur le mur :
c’est un signe d’espoir
un premier murmure
car la clôture grise
n’emprisonne pas le chant :
Ce n’est pas une marchandise
vouée à l’enterrement.
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RC juill 2016
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peinture R Magritte
Inutile de rattraper les nuages:
il ne pleuvra pas de sitôt :
Ils s'échappent du temps
et caressent le paysage
comme ces oiseaux
que porte le vent.
lls s'étirent très lentement
mais si tu ne fais pas attention
tout à coup leur progression
profite du moindre instant et s'accélère,
méditant des sauts de puce
sur ce qui te sers de repère:
une forêt, un lac de verre
et voilà le retour des nimbus
qui masquent la lumière ,
s'imposent dans un tableau paisible,
et ce que l'on ne croyait possible
que dans les temps antiques
envahit toute l'image,
comme si Magritte
venait, d'un coup de baguette magique
donner des ailes aux nuages
oiseaux oniriques
précédant l'orage...
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peinture Clyfford Still
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C’est fini…. la méditation sur d’hypothétiques surfaces lisses,
champs de colza moirés, où aucun arbre ne dépasse.
Ne parlons même pas des stries des champs de lavande
sur le plateau de Valensole.
Ils ne peuvent se retenir d’onduler
à chaque dénivellation, juste limités par des chênes rabougris,
et les chemins de terre caillouteux.
J’ai préféré me plonger dans le jaune intense
d’une peinture non figurative,
où le regard jamais ne s’égare
vers une ligne d’horizon.
Ici le champ n’a de limite que le bord de la toile,
on pénétrera sans effort, plus avant
dans les champs de blé de Van Gogh
en pensant qu’il puisse s’étendre bien au-delà,
avec la couleur à peine altérée par de l’orange
et du blanc sur les côtés.
De légères variations dans la couleur
suggèrent des gestes minuscules,
le grésillement des insectes
au soleil , au plus haut de l’été,
comme si nous y étions restés.
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