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peinture: Innocent X, par Francis Bacon, et Diego Velasquez
Installé dans ce fauteuil sévère,
ce personnage drapé de rouge
vomit toujours ses imprécations
sur le fond sombre de l'histoire.
Le portrait que fait Vélasquez
du pape Innocent X
est celui d'une figure de pouvoir,
peu porté sur la plaisanterie.
Son oeil pointu a quelque chose
de l'un des tortionnaires
des 120 journées de Sodome,
coupant comme rasoir.
On ne sait plus si cette image
est fidèle à l'homme
qui s'assit dans ce trône
à cette époque
mais aujourd'hui c'est son écho
à travers les peintures de Francis Bacon
qui nous parvient,
hurlant , bouche grande ouverte,
au point que le cri
traverse tellement la toile
qu'il en efface le côté humain,
puis les traits de son visage .
A la façon de celles du piranha,
les dents sont carnassières,
le gouffre noir de la gueule,
prêt à nous avaler.
De celui de Munch
au film du Cuirassé Potemkine,
l'obsession du cri habite l'artiste,
hante son oeuvre et notre époque.
Les dictateurs de notre siècle
ont ce quelque chose,
qui rappelle les anthropophages :
ce sont des prédateurs
assoiffés de pouvoir
et de sang,
incrustés sur leur trône,
sangsues de l'humanité.
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RC - dec 2019
1 commentaire -
Que reste-il du passage de l’ange,
une fois qu’on a ramassé
ce qui traîne : quelques objets,
fragiles et ternes ? : des débris
auxquels on n’aurait pas prêté attention ,
Ainsi nous questionnent ces traces de combat :
ces cicatrices
et végétaux desséchés
suspendus : ( des corps oubliés
dans des boîtes de verre, sur un fond gris ).
C’est la terre qui se replie
sur elle-même.
Elle a soif d’humanité et se craquelle.
Sous les gravats pointent des fers ;
membres tordus de douleur
lançant de vains appels
dans l’écrasant silence ,
que les reliquaires
conservent , à la façon de fleurs mortes
entre les pages d’un vieux livre...
On peut procéder à la pesée des âmes,
on ne sait qui tient la balance,
puisque les plumes y sont plus lourdes
que l’argile , que les mottes de terre
d’un pays qui meurt.
C’est peut-être ce qui subsiste
après la bataille:
quelques restes rouillés
plantés dans l’étendue
d’un désert calciné .
On ne se confronte pas à l’Ange:
c’est une figure vengeresse,
venue de l’Apocalypse:
d’un passé, il a fait table rase :
on ne retourne pas au paradis perdu :
Le monde est à refaire,
un oeuf intact
en marque l’origine,
mais personne ne sait
s’ il abrite un serpent.
ce texte est issu de l'impression de l'exposition d'oeuvres de Anselm Kiefer
au couvent de la Tourette, près de Lyon. (photos perso hors flyer )
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photo: Frantisek Drtikol
Une sainte a détourné son regard
des images pieuses,
de l'autre côté du miroir.
Est-il sans tain,
elle, dont le regard réfléchi
se transforme en négatif ?
Le chapelet dans les mains
devient cette cordelette
où les prières qui le symbolisent
sont autant de maillons
d'une chaîne invisible .
Doit-on comprendre
qu'elle en est prisonnière ?
Le miroir efface d'un coup
la robe de bure,
et l'austérité des gestes.
Notre sainte s'en accommode
comme dans les peintures baroques,
et ce qui est ombre
rayonne d'une lumière indéfinie ,
semblant palpiter de l'intérieur.
Elle modèle le corps
comme le ferait le sculpteur
de son volume de glaise.
La vie en sourd , palpable ,
comme celle des pulsations cardiaques.
C'est une transformation
qui s'opère à mesure
que les sels d'argent
cristallisent cet enchantement
dans le laboratoire du photographe.
- RC- dec 2019
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